Le gouverneur de la BRH, Jean Baden Dubois souligne les difficultés économiques et humaines du pays au temps du covid-19.
Comme chaque année, à l’initiative du Groupe Croissance dirigé par Kesner Pharel, des spécialistes du secteur économique et financier sont invités à se prononcer sur un thème à la fois utile et actuel. Du 28 au 30 avril, pas mal de questions seront débattues entre les expérts nationaux et internationaux, des autorités dont le PM Joseph Jouthe par visio-conférence. Le thème de cette année : « Le COVID-19 : financer la réponse et préparer l’après-crise », est selon le gouverneur de la banque centrale en étroite adéquation avec les défis de l’heure.
« Comme vous le savez, le sommet de la finance est devenu l’un des événements économiques les plus attendus du pays depuis son lancement par le groupe Croissance, il y a dix ans. Nous voici donc, Mesdames et Messieurs, virtuellement réunis pour explorer quelques pistes de réflexion sur une pandémie qui nous engage dans un combat collectif pour la survie », a déclaré Jean Baden Dubois d’entrée de jeu. Aussi, « la crise sanitaire du COVID-19 doit être pour nous l’opportunité de réfléchir sur le problème fondamental qui renvoie à notre capacité à gérer efficacement les situations de pénurie ».
Le discours de circonstance du gouverneur de la Banque de la République d’Haïti (BRH) s’est articulé autour de deux points. D’abord il a souligné la portée de la crise à laquelle le monde entier fait face aujourd’hui sans y être preparé. « Chez nous, en Haïti, ce panorama social et sanitaire se déploie dans un contexte d’épisodes récurrents d’instabilité politique, lesquels furent nettement plus prononcés au cours des deux dernières années. Les effets de cette crise politique sont désastreux pour la performance économique, comme en témoignent la dépréciation continue de la monnaie nationale, un niveau d’inflation proche de 20% et la contraction de 0.5% du PIB en 2019. À cela s’ajoute une succession de catastrophes naturelles, dont certaines majeures, surtout au cours des décennies 2000 et 2010 », a détaillé M. Dubois pour préciser l’état dans lequel la grave crise sanitaire du COVID-19 a trouvé notre pays.
A propos de la crise provoquée par la pandémie, Jean Baden Dubois pense que les mécanismes de soutien offerts par le FMI et d’autres bailleurs de fonds internationaux devraient permettre au gouvernement de dégager de nouvelles ressources pour lutter contre le coronavirus. Cependant, tempère-t-il, même les pays dotés de moyens financiers importants ont été confrontés à des difficultés, certaines en matière d’approvisionnement en équipements sanitaires. Pour lui, les mesures de la Banque Centrale, alliées à celles du Ministère de l’Economie et des Finances et des Ministères sectoriels, devaient permettre de mitiger l’impact de cette double crise sanitaire et économique sur notre posture de croissance.
Les difficultés que rencontrent Haïti face à la pandémie
Dans la situation actuelle, les règles d’engagement semblent avoir été modifiées dans la mesure où il apparaît que les fournisseurs imposent leurs conditions aux États. Ainsi, les fournisseurs qui détiennent des stocks stratégiques alimentent la spéculation et font augmenter les prix au détriment des pays les plus démunis, juge le gouverneur rappelant au passage que de son côté, la BRH a mis en œuvre un ensemble de mesures visant à alléger les contraintes qui pèsent sur le système financier. « Ces mesures peuvent avoir un impact positif sur la demande, à travers la consommation des ménages. Sur le court et même le moyen terme, elles pourraient aussi avoir un effet de compensation sur une éventuelle baisse des transferts sans contrepartie qui alimentent la consommation », a-t-il avancé.
Jean Baden Dubois a aussi touché du doigt le déni et la peur présents chez la population. Il s’agit là de difficultés qui pourraient avoir de conséquences sur l’évolution de la maladie dans le pays et les conséquences pour l’économie ne tarderont pas à se faire sentir. « La première difficulté est le déni de la réalité circulant dans des secteurs de la population. Exprimé par de l’incrédulité, ce déni tend à limiter la portée du confinement et à favoriser une propagation silencieuse de la maladie, a-t-il indiqué. La deuxième difficulté est la peur de la stigmatisation qui pourrait porter certains malades à s’isoler, favorisant ainsi des foyers de contamination difficiles à détecter, à l’instar de ce qui s’était passé en Équateur ».
Autres difficultés, le gouverneur a noté qu’en dépit des décaissements effectués par le Trésor public de façon autonome, les pouvoirs publics se trouvent confrontés aux difficultés d’approvisionnement et à l’augmentation des coûts qui découlent notamment du transport de ces équipements. Le défi étant l’obligation d’avoir tout ce qui est nécessaire avant le pic de la pandémie afin d’éviter la saturation des hôpitaux déjà non suffisamment équipés.
Par ailleurs, le gouverneur de la BRH a souligné qu’il apparaît donc clairement que les autorités compétentes doivent mettre en place la permanence de stratégies viables pour trouver des solutions adaptées aux crises exceptionnelles comme celle du COVID-19. L’outil budgétaire, selon lui, en est une composante majeure. Le développement de budgets pluri annuels viables devrait nous permettre de sortir du carcan du PPTE (Pays Pauvres Tres Endettes) et d’améliorer la capacité d’emprunt du pays sur les marchés financiers lorsque des situations exceptionnelles comme la pandémie actuelle nous obligent à élargir rapidement nos options de financement des dépenses sociales.
C’est aussi à ce prix, poursuit-t-il, que les politiques publiques pourront limiter les atteintes de cette nature au pouvoir d’achat de la gourde et renforcer leur crédibilité pour affronter de nouveaux défis.
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