Alors que l’intelligence artificielle offre de nombreuses possibilités créatives, son utilisation abusive pour produire des contenus vulgaires et peu instructifs suscite déjà l’inquiétude.
Depuis quelque temps, l’intelligence artificielle (IA) connaît une adoption fulgurante en Haïti, notamment dans le domaine de la création de contenus audiovisuels. De nombreux Haïtiens, séduits par les possibilités offertes par ces outils, se sont lancés dans la réalisation de vidéos générées ou modifiées à l’aide de l’IA. Toutefois, cette nouvelle tendance, bien que témoignant d’un certain dynamisme technologique, soulève de nombreuses interrogations sur les intentions et les usages qui en découlent.
En effet, la majorité des vidéos IA qui circulent aujourd’hui sur les réseaux sociaux haïtiens se caractérisent par un contenu à forte connotation sexuelle, des dialogues volontairement vulgaires et un humour souvent jugé de mauvais goût. Ces vidéos, bien que parfois techniquement impressionnantes, manquent cruellement de valeur éducative ou culturelle, ce qui divise profondément l’opinion publique.
« Lorsqu’on tombe sur ce type de vidéos, il est impossible de les visionner en présence d’enfants. Elles sont truffées de propos vulgaires et mettent systématiquement l’accent sur la sexualité tout en rabaissant les femmes », se plaint une jeune étudiante de 22 ans.
D’un côté, certains internautes affirment consommer ces contenus pour se divertir, y voyant une forme de comédie moderne, légère et adaptée à un public en quête d’évasion. Ces vidéos sont perçues comme des moyens de relâcher la pression quotidienne dans un contexte socioéconomique tendu. L’humour, même provocant, serait selon eux un exutoire bienvenu.
« Je n’ai rien contre ces vidéos. Même si je sais qu’elles contiennent souvent des propos vulgaires, cela ne m’empêche pas d’admettre qu’elles me font parfois rire. Dans un contexte où la situation du pays génère beaucoup de stress, ce type de contenu peut, malgré tout, apporter un moment de légèreté et faire sourire », croit un chauffeur de taxi-moto.
Mais de l’autre côté, des voix s’élèvent pour dénoncer un usage jugé irresponsable et appauvrissant de l’intelligence artificielle. Pour ces critiques, les créateurs haïtiens qui maîtrisent ces outils technologiques pourraient, au contraire, les mettre au service de l’éducation, de la culture, de l’histoire ou encore de la vulgarisation scientifique. Ils estiment que l’IA offre une occasion unique d’élever le niveau du débat public, de favoriser la réflexion et de stimuler l’intelligence collective.
« Ce n’est pas tant l’outil qui est en cause, mais la manière dont on l’utilise. Aujourd’hui, certains vidéastes IA semblent oublier que leurs productions sont consommées par des jeunes, des enfants, et qu’il y a un devoir moral à orienter le contenu dans une direction plus constructive », affirme un professeur interrogé à ce sujet.
Cette controverse met en lumière un enjeu plus large : celui de l’éthique dans la création numérique. En Haïti comme ailleurs, les nouvelles technologies s’accompagnent de responsabilités. L’accessibilité croissante aux outils d’intelligence artificielle implique la nécessité de poser des balises claires quant à leur usage, notamment dans l’espace public numérique.
Pour plusieurs internautes qui tombent sur ces vidéos, il est urgent de sensibiliser les créateurs de contenu à l’impact social de leurs productions. Des initiatives pourraient être mises en place, notamment des formations sur l’usage responsable de l’IA, des concours de création de vidéos éducatives ou encore des partenariats avec des institutions scolaires ou culturelles pour encourager une utilisation plus enrichissante de ces technologies, ont-ils écrit dans certains commentaires.
L’essor de l’IA en Haïti constitue indéniablement un tournant important. Mais pour qu’il soit porteur de progrès, encore faut-il que les créateurs choisissent de mettre leur créativité au service d’un contenu de qualité. L’avenir de l’intelligence artificielle haïtienne ne dépendra pas seulement des machines, mais avant tout de l’intelligence humaine qui les guide.
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