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Haïti-droits humains : Le RNDDH dénonce l’inaction des autorités et la protection des gangs armés

gangs armés , RNDDH

Dans un rapport acheminé à la rédaction de Juno7 ce 5 mai, le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) fait état de ses préoccupations face à la détérioration généralisée de la situation des droits humains en Haïti. L’organisme de défense des droits humains fait également plusieurs recommandations aux autorités étatiques. La Rédaction de Juno7 publie ci-après l’intégralité du rapport du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH)

Situation chaotique des droits humains en Haïti et banditisme d’Etat :
Le RNDDH dénonce l’inertie des autorités et la protection des gangs armés

3 mai 2019

INTRODUCTION

1. Le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) est particulièrement préoccupé par la dégradation de la situation générale des droits humains dans le pays, dégradation caractérisée par une insécurité grandissante, la protection des bandits armés par des officiels, des attaques perpétrées à l’encontre des travailleurs œuvrant dans le domaine de la santé, des décès répétés dans les centres de détention et une économie nationale perpétuellement en déclin.

I. L’insécurité bat son plein. Les luttes entre gangs armés sont légion partout dans le pays et les agents de la PNH sont les cibles privilégiées des bandits armés

2. La population haïtienne livrée à elle-même assiste impuissante à la montée de l’insécurité dans le pays. Chaque jour, des morts violentes par balles ou à l’arme blanche sont enregistrées. Pour la seule période allant de janvier à mars 2019, cent une (101) personnes ont perdu la vie dont treize (13) policiers, soit en moyenne, trente-trois (33) personnes par mois dont quatre (4) policiers. Voici les informations relatives aux policiers tués par balles au cours de cette période :

o Holdensy Fanio JULMIS, vingt-quatre (24) ans, AI, 28ème promotion, a été tué le 22 janvier 2019 au Champs de mars ;

o Lesly AUGUSTE, A1, affecté à la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), a été tué le 22 janvier 2019, à la rue Tiremasse ;

o Fenton Galil ALBATRE, vingt-sept (27) ans, A1, 28ème promotion, a été tué le 24 janvier 2019 à Mahotière 75, Carrefour ;

o Vital MICHEL, a été tué à Delmas 16 le 25 janvier 2019 ;

o Ernest CHARLOTIN, AIII, a été tué le 28 janvier 2019, dans la localité de Bourjoly, une section communale des Cayes ;

o Barthélemy Claude CESAR, trente-deux (32) ans, affecté à l’Inspection générale de la Police nationale d’Haïti (IGPNH), a été tué le 28 janvier 2019 à la rue Monseigneur Guilloux, non loin du stade Sylvio Cator ;

o Mc Kenzy E. PIERRE, trente-neuf (39) ans, AIII, a été tué le 3 février 2019 à la rue de la République, non loin du palais national ;

o Pierre Ismaël MONVIL, AI 26ème promotion, a été tué le 6 février 2019 alors qu’il exécutait un mandat d’arrêt à Villard, une localité située dans la 1ère section communale de Dessalines ;

o Mackenson PIERRE, trente-huit (38) ans, a été tué le 17 février 2019 à Côte Plage 18, carrefour ;

o Jackson SIMON, AI, affecté au commissariat de l’Aéroport, a été tué le 20 février 2019 à Martissant, non loin de l’église Sainte Bernadette ;

o Réginald ST-VILLE AII affecté à l’Unité départementale pour le maintien de l’ordre (UDMO), a été tué le 1er mars 2019 dans la zone d’Espagne, Léon, 6ème section communale de Jérémie ;

o Pierrelin JEAN-BAPTISTE, 14ème promotion, a été tué le 27 mars 2019 à Tabarre alors qu’il était en compagnie de sa femme Nicole DURAND JEAN-BAPTISTE et de leur enfant de trois (3) ans. Sa femme est décédée à l’hôpital ;

o Jean Kervens POTEAU, 29ème promotion, a été tué dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2019 à la 1ère Avenue Bolosse ;

3. Deux (2) policiers ont été tués au cours du mois d’avril 2019.

o Vielo Victor BELLANDE, AII, 19ème promotion a été tué le 4 avril 2019 à Marchand Dessalines. Il était affecté à la Brigade d’intervention contre l’insécurité foncière (BRICIF) ;

o Gabriel FERTIL, AII, a été tué le 29 avril 2019, A Cité Soleil, non loin de la route nationale # 1.

4. Des luttes entre gangs armés tiennent l’actualité en haleine. Des chefs de gang font ouvertement état de leurs capacités en armes et en munitions, affirmant dépasser de loin celles de l’institution policière. Des agents de la PNH sont fréquemment pris en chasse par des bandits armés.

5. Des raids sont menés contre des containers de marchandises en partance pour des villes de province. Des véhicules sont fouillés chaque jour sur les grands axes routiers. Les conducteurs et passagers sont alors tenus de se dépouiller de ce qu’ils possèdent. Ces attaques contre les véhicules se font de plus en plus fréquemment. A titre d’exemple, le 30 avril 2019, un minibus immatriculé TP 72424 ayant à bord sept (7) passagers était stationné non loin du sous-commissariat de Portail de Léogane lorsqu’il a été détourné. A date, le RNDDH n’a pu obtenir aucune information relative à ce cas.

6. Les bandits armés contrôlent leurs zones, rançonnent les petits détaillants et les entreprises commerciales, fixant eux-mêmes le montant à verser régulièrement par ces marchands et entrepreneurs, pour avoir le droit de continuer à exercer leurs activités commerciales dans les zones concernées.
7. Le palais de justice de Port-au-Prince, situé sur le bicentenaire, est souvent la cible de bandits opérant dans cette zone.

8. Dans plusieurs endroits du pays, comme au haut de Carrefour-feuilles et à Village de Dieu, la compagnie Electricité d’Haïti (Ed’H) a recours à des hommes armés pour porter la population à payer sa consommation d’électricité. Ces hommes armés sont chargés de collecter l’argent pour le compte de l’Ed’H et de le lui apporter, moyennant contrepartie.

9. Le calme apparent de Cité Soleil est rompu. Les bandits armés ont officiellement recommencé leurs activités répréhensibles. Encore une fois, les noms de parlementaires sont souvent cités par des riverains comme protecteurs d’individus armés opérant dans cette commune. Au cours du mois de mars 2019, plusieurs personnes ont perdu la vie à Cité Soleil. Sept (7) d’entre elles ont pu être retracées par le RNDDH. Il s’agit de :

o Luckner TERTULIEN, âgé de 32 ans était père de quatre (4) enfants dont une (1) fille. Il a été tué à Duvivier, par des membres du gang armé dirigé par Gabriel JEAN PIERRE, alias Ti Gabriel, opérant dans la localité de « Nan Brooklyn » ;
o Darwins VILSAINT a été tué à Baryè Fè ;
o Les dénommés Guetching et Gregory et une autre personne non identifiée, ont été assassinés dans la zone de Fouji ;
o Deux (2) personnes ont été assassinées à Pwa kongo. Il s’agit des dénommés Tapajè et Kiky.

10. À Carrefour-feuilles, le gang armé récemment dirigé par Sony JEAN alias Tije – tué lors d’échanges de tirs avec la PNH, dans la soirée du 29 avril 2019 – se met chaque jour un peu plus au-devant de la scène, tirant sur la population civile. Le 24 avril 2019, une attaque meurtrière est survenue à l’Impasse Eddy, Zone Terre Promise, Carrefour-Feuilles. Au moins neuf (9) personnes ont été tuées. Cependant, les informations précises relatives à seulement six (6) d’entre elles ont pu être recueillies par le RNDDH. Il s’agit de :

o Lumène DANES, âgée de vingt-huit (28) ans ;
o Smith DORISME, âgée de vingt-neuf (29) ans ;
o Daniel GIL-BAS, âgé de vingt-six (26) ans ;
o Louis Renvil GENERA, dans la trentaine ;
o Robenson LUC, décédé à l’Hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti (HUEH) ;
o Jean Brunel BLANC, né le 5 mai 1980 est blessé à la cuisse droite et au flanc droit. Il est décédé à l’HUEH.

11. De plus, au moins dix (10) personnes blessées par balles à cette même date, ont été soignées au service d’urgence de l’HUEH. Neuf (9) d’entre elles et/ou les membres de leur famille, ont été rencontrées. Voici les informations les concernant :

o Johnny ALEXIS, né le 19 avril 1975, a reçu une (1) balle au ventre, côté gauche, alors qu’il se trouvait devant sa maison en train de discuter avec des voisins ;
o Milouse JEAN LOUIS, née le 2 février 1989 est mère d’une fillette de trois (3) ans. Elle a reçu cinq (5) balles dont deux (2) à la main gauche, une (1) au bras gauche, une (1) au cou et une (1) autre au ventre ;
o Francesca OXIL, fille de Milouse JEAN LOUIS a été éraflée par une balle au ventre, côté droit ;
o Claubens CORIOLAN, né le 7 juillet 1995 a été atteint de deux (2) balles : une (1) au bras gauche et une (1) au dos, côté gauche ;
o Jean Renel JOSEPH, né le 11 juin 1986, a reçu une balle à la cuisse gauche. Il est père de trois (3) filles et d’un (1) garçon ;
o Noé DESIR, né le 7 avril 1991, a été atteint d’une balle à la fesse gauche. Il est père de trois (3) enfants dont une (1) fille ;
o Sylvestre BERLIN, né le 13 décembre 1988, a reçu trois (3) balles au côté gauche ;
o Carline LUNDY, née le 5 juillet 1979, a été atteinte d’une balle au dos. Elle a une fille de quinze (15) ans ;
o Marie Alexandra PETION, née le 22 novembre 1982, a été blessée par balle au bras droit.

12. Le 14 avril 2019, à Cité Vincent dans la localité de Makaron – zone La Saline située entre Delmas et le Boulevard Harry Truman – au moins cinq (5) personnes ont été tuées. Plusieurs maisonnettes ont été incendiées par les gangs armés de Serge ALECTIS, alias Ti Junior et de Jimmy CHERIZIER, alias Barbecue.

13. Le 19 avril 2019, quinze (15) personnes au moins ont perdu la vie à Delmas 2, dans la zone de Kafou 3. Cette attaque a été perpétrée par des gangs armés de La Saline protégés par des autorités étatiques.

14. Nan Tokyo, zone située au bas de Delmas 2, était jadis divisé en deux (2) territoires occupés respectivement par la Base 117 et par le gang armé dirigé par Dom Laj ainsi connu. Cependant, à un certain moment, la cohabitation n’a plus été possible et Dom Laj a chassé les membres de la base 117 de Nan Tokyo.

15. Ayant appris que certains membres de la base 117 ont rejoint le gang de Pablo à Nan Tokyo, Jimmy CHERIZIER alias Barbecue a décidé de leur faire la guerre. C’est donc aujourd’hui, le gang armé dirigé par Jimmy CHERIZIER et ses alliés savoir Serge ALECTIS alias Ti Junior et Ronald DESANGES, alias Depòte d’une part et le gang armé de Nan Tokyo dirigé par Pablo et son allié, la base 117 reconstituée d’autre part, qui s’affrontent continuellement à Nan Tokyo. A titre d’exemple, au cours des mois de mars et d’avril 2019, au moins trois (3) attaques y ont été perpétrées :

o Le 8 mars 2019, des bandits armés opérant sous les ordres de Jimmy CHERIZIER, alias Barbecue se sont rendus à Nan Tokyo et ont incendié une dizaine de maisonnettes ;

o Le 13 avril 2019, des bandits armés, opérant sous les ordres de Junior Alectis alias Ti Junior, allié de Jimmy Chérizier, alias Barbecue, ont tiré des rafales de balles à Nan Tokyo puis ont incendié un véhicule qui appartenait à Luckner ainsi connu.

o Le 14 avril 2019, vers midi, des individus munis d’armes automatiques de gros calibre, d’armes de poing, de machettes, de haches, de tubes de gaz lacrymogène et de bidons de gazoline, ont fait une descente des lieux à Nan Tokyo, faisant des morts et de nombreux blessés. Ils ont incendié presque toutes les maisons qu’ils ont trouvées sur leur chemin. Un véhicule privé de marque Isuzu, immatriculé AA-32385, appartenant à Yvener JEAN a aussi été incendié.

16. Selon les victimes de cette lutte hégémonique, à Nan Tokyo plusieurs personnes ont perdu la vie au cours de ces attaques. Si certaines ont été tuées par balles, d’autres ont été décapitées, ou découpées à coups de machettes, avant que leur cadavre ne soit carbonisé. Le RNDDH a pu identifier les parents de onze (11) victimes décédées. Il s’agit de :

o Jean Jonas MARSEILLE, né le 2 mars 1974, à Abricot, dans le département de la Grand’Anse, se trouvait chez lui avec sa famille quand des bandits armés ont débarqué dans la zone. Il a eu le temps de faire sortir sa concubine et ses enfants avant d’être surpris. Les bandits lui ont administré plusieurs balles puis ont mis le feu à son cadavre ainsi qu’à sa maison. Il était père de six (6) enfants dont deux (2) filles.

o Marleine EDOUARD alias Timèn est née le 7 septembre 1976 à Petit-Goâve. Ses restes calcinés ont été retrouvés au milieu des débris de sa maison. Elle était mère de six (6) enfants dont deux (2) garçons.

o André BOLIVE est né le 8 avril 1969. Il se trouvait chez lui lorsque des bandits l’ont enlevé avant de mettre le feu dans sa maison. Son cadavre n’a jamais été retrouvé ;

o Hilarine DUVERNARD est né en 1969. Il a été carbonisé dans sa maison. Ses ossements ont été retrouvés deux (2) jours après, par des membres de sa famille ;

o Avila PETIT-HOMME est née en 1930. Elle a été carbonisée dans sa maison. Ses restes ont été retrouvés le 16 avril 2019 par des proches ;

o André FORTUNA alias Boss André a été enlevé. Son cadavre n’a jusqu’à date pas été retrouvé ;

o Roseline FLORESTAL née le 12 décembre 1982 a reçu une balle au dos tirée par un bandit qui la poursuivait. Elle tentait alors de rejoindre un véhicule à bord duquel se trouvaient des agents de la PNH qui accompagnaient le corps des pompiers dans la zone ;

o Gérard MARCELIN âgé de soixante-sept (67) ans est décédé à l’Hôpital Petits Frères et Sœurs où il a été emmené d’urgence en raison de signes de détresse respiratoire ;

o Guillaume JEAN, dont le cadavre a été découvert dans sa maison avec un trou à la tête et une partie du corps carbonisée ;

o Roseline ainsi connue a reçu une balle au sein gauche. Elle est morte sur le coup ;

o Pouchon ainsi connu encore appelé Papouche, et présenté comme un réparateur de pneumatiques dans la zone, a reçu plusieurs balles et ses restes ont été calcinés.

17. Sur la route nationale #1, à Corail-Cesselesse, le gang armé dirigé par Valès et Black satan ainsi connus tente d’étendre son territoire jusqu’à Canaan 50. Il s’ensuit une situation sécuritaire catastrophique pour les citoyens vivant dans cette zone.

18. A Savien, première section de la commune de Petite-Rivière de l’Artibonite, les gangs armés spécialisés dans des cas de vols, de détournements de cargaisons de marchandises, opèrent en plein jour, enrôlent des jeunes à qui ils offrent des armes à feu et des munitions.

II. La violence armée qui sévit aujourd’hui, met en péril la vie de toute personne évoluant en Haïti

19. Le 24 mars 2019, l’ambassadeur du Chili accrédité en Haïti Patricio UTRERAS s’est rendu à Boutin, une localité de la Croix des Bouquets, pour l’inauguration d’un projet mis en œuvre avec la DINEPA.

20. Vers 11 heures, cinq (5) individus armés non identifiés ont fait irruption sur les lieux. Ils ont fait feu, atteignant le chauffeur d’une des organisations impliquées dans la mise en œuvre de ce projet, America Solidaria, qui a perdu la vie sur le champ. Un des chauffeurs de l’Ambassade a lui-même été touché à la main. L’épouse de l’ambassadeur qui l’accompagnait, Brenda Iriarte ROJAS, a aussi été victime. Les agents préposés à la sécurité de l’Ambassadeur sont parvenus à prendre la fuite pour sauver la vie de celui-ci, sous une pluie de balles tirées par les bandits armés.

21. Le 4 avril 2019, un médecin américain Burbella DOUGLAS âgé de cinquante-huit (58) ans a été atteint de trois (3) balles respectivement à l’épaule, à la joue et à la colonne vertébrale. Il prenait part à un convoi de médicaments qui a été attaqué dans le département de l’Artibonite.

III. Les autorités officielles protègent les gangs armés

22. Les cas corroborant la cohabitation entre les gangs armés et des autorités étatiques dont des parlementaires, sont de plus en plus dénoncés. Le plus récent est celui relatif au Sénateur Gracia DELVA lié au très médiatisé chef de gang, Arnel JOSEPH. Protégé du parlementaire et comptant au sein de son gang des agents de la PNH, Arnel JOSEPH a toujours plusieurs longueurs d’avance sur les autorités policières, car il est systématiquement mis au courant à chaque fois qu’une opération policière visant à le déloger est menée.

23. Suite à la dernière tentative pour le capturer à Village de Dieu, Arnel JOSEPH s’est rendu dans le département de l’Artibonite où depuis, il sème la terreur avec son gang armé. Une nouvelle opération a été conduite le 4 avril 2019 à Marchand Dessalines. Elle s’est soldée par un énième échec. Cependant, sur les réseaux sociaux, on peut visionner des vidéographies montrant des membres du gang armé de Arnel JOSEPH circulant librement avec leurs armes à feu.

24. La protection de Arnel JOSEPH par le Sénateur Gracia DELVA n’est pas le premier cas du genre. Il convient en ce sens de rappeler que : Marc Arthur Junior CHARLES a été arrêté le 17 avril 2012 pour détention illégale d’armes à feu et de munitions. Le même jour, l’ex-député Rodriguez SEJOUR s’est rendu au commissariat de Port au Prince pour exiger la libération de son protégé. Il avait alors affirmé que l’arme et les munitions lui appartenaient. Walky CALIXTE, le policier qui avait procédé à l’arrestation de Marc Arthur Junior CHARLES, a été assassiné le même jour au moment où il rentrait chez lui. L’instruction ouverte et menée autour de cet assassinat a démontré que Marc Arthur Junior CHARLES était protégé par les anciens députés Rodriguez Séjour et N’Zounaya BELANGE. Le 19 mars 2013, une ordonnance de renvoi par devant le tribunal criminel siégeant sans assistance de jury a été rendue par le Magistrat Jean Wilner MORIN à l’encontre de ces deux (2) députés. Aucune suite n’a été donnée.

IV. La justice haïtienne est mise à genoux

25. La justice haïtienne est prise en otage par des magistrats assis et debout qui s’adonnent au trafic d’influence et à la corruption. Les exemples sont nombreux. Cependant, le cas le plus récent qui a retenu l’attention du RNDDH est le suivant : Le 13 avril 2019, une délégation de pouvoir a été donnée par le substitut commissaire du gouvernement près le tribunal de première instance de Port-au-Prince, Me Wesley PAUL à la DCPJ, pour diligenter une enquête relative à plusieurs bandits opérant dans la zone de La Saline. Le 19 avril 2019, la police a procédé à l’arrestation de Willy ST VAL et de Audrienson JEAN. Le 22 avril 2019, le substitut commissaire du gouvernement, Me Jeanty SOUVENIR a adressé un ordre de libération au responsable de la Section Départementale de la Police Judiciaire (SDPJ) de l’Ouest, dans lequel il l’a enjoint de libérer immédiatement les individus susmentionnés. Sur insistance de ses supérieurs hiérarchiques, le substitut commissaire du gouvernement Jeanty SOUVENIR s’est arrangé pour retrouver les individus en question et les a arrêtés de nouveau.

26. Dans plusieurs tribunaux de paix du pays dépendant des tribunaux de première instance de la Croix-des-Bouquets et de Jérémie, des magistrats invitent les parents des mineures victimes de viols à s’entendre avec leurs agresseurs, moyennant le versement d’une somme d’argent en faveur des victimes et un engagement notarié de ne pas poursuivre les agresseurs.

27. Parallèlement, l’Exécutif, en violation flagrante de l’article 15 de la loi du 27 novembre 2007 portant statut de la magistrature, qui exige avant toute nomination l’avis favorable du CSPJ, nomme à sa guise des magistrats. A titre d’exemple, le 28 février 2019, le CSPJ a adopté à l’unanimité une résolution pour la nomination de la juge Norah AMILCAR JEAN FRANÇOIS à la présidence de la cour d’appel de Port au-Prince, en attendant les résultats du processus de vetting auquel était soumise la juge. Le 28 mars 2019, cette résolution a été confirmée par le CSPJ. Cependant, à la surprise générale, c’est le magistrat Patrique Rameau METELLUS qui a été nommé par l’Exécutif en date du 29 avril 2019 à titre de président de ladite cour.

28. Le manque de suivi dans les décisions prises par les administrations passées est aussi constant. Les magistrats sont nommés, révoqués puis habilités à réintégrer l’appareil judiciaire selon le bon vouloir de l’Exécutif. Par exemple, le 21 septembre 2017, Maître Rockfeller VINCENT, alors substitut commissaire du gouvernement près de la Cour d’Appel du Cap-Haïtien est révoqué pour absence de performance. Aujourd’hui, il réintègre l’appareil judiciaire à titre de commissaire en chef à la cour d’appel de Port au Prince.

29. Certains magistrats coupables de fautes administratives graves dans l’exercice de leurs fonctions sont rappelés au ministère de la justice et de la sécurité publique à titre de chargés de missions. Tel est le cas par exemple, de Maître William ARISTILE qui – décrié au parquet près le tribunal de première instance de la Croix-des-Bouquets bien avant l’incident survenu le 9 mars 2019 à l’Hôpital Universitaire de la Paix (HUP), où un médecin a été sévèrement bastonné sur ordre du magistrat en question – a été réaffecté au ministère susmentionné.

V. Les espaces accueillant les hôpitaux et centres de santé ne sont pas protégés. Des cas d’agression à l’encontre de médecins ou de personnes admises pour recevoir des soins sont aujourd’hui légion

30. Dans la nuit du16 au 17 janvier 2019, un patient blessé par balles, admis à la salle d’urgence de l’Hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti (HUEH) a été enlevé et exécuté par des individus armés, non loin de la barrière de hôpital.

31. Le 9 mars 2019, vers vingt-trois (23) heures, Dukens FEDE et Jean Guy NESTAN ont été emmenés au service d’urgence à l’Hôpital Universitaire de la Paix (HUP). Ils présentaient des plaies abdominales par balles non-hémorragiques. Après avoir reçu les premiers soins, Dukens FEDE a été conduit à l’Hôpital Bernard Mevs, pour une radiographie. La balle qui avait atteint Jean Guy NESTAN n’étant pas ressortie, il a dû subir une intervention chirurgicale à l’HUP.

32. Quelque temps après, Maître William ARISTILE, plusieurs agents de la PNH ainsi que des civils lourdement armés, ont fait irruption dans l’enceinte de l’hôpital, ont recueilli les déclarations du médecin Chrislor LESTIN, puis ont exigé, après avoir appris qu’un projectile avait été extrait du corps de Jean Guy NESTAN que ce projectile leur soit rendu. N’ayant pu le récupérer, ils ont sévèrement bastonné le médecin Chrislor LESTIN, l’ont menacé de mort puis sont partis avec le patient Jean Guy NESTAN.

33. Le Centre obstétrico-gynécologique Isaïe Jeanty – Leon Audin communément appelé l’Hôpital Chancerelles est localisé dans une zone truffée de bandes armées rivales qui s’affrontent continuellement. Au cours du mois de mars 2019, en raison des conditions difficiles de travail et de l’insécurité qui sévit dans la zone, les responsables ont décidé de surseoir à toutes activités médicales dans ce centre.

VI. Les prisons et les commissariats convertis en prisons gardent les personnes en détention, dans des conditions inhumaines causant des décès en cascade de détenus

34. De janvier à avril 2019, vingt-six (26) personnes sont mortes en prison soit en moyenne six (6) détenus par mois.

35. A la prison civile de Port-au-Prince, dix (10) personnes ont perdu la vie. Il s’agit de :

o Wilner DEZA décédé le 9 janvier 2019
o Hubert ALEXANDRE décédé 18 février 2019
o Huguens EXANTUS condamné à perpétuité, décédé le 27 février 2019
o Galant LUCKNER décédé le 5 mars 2019
o Gérald PIERRE décédé le 12 mars 2019
o Guerlin DORESTANT décédé le 12 mars 2019
o Chérilien PHILIPPE décédé le 18 mars 2019
o Jameson BEAUSEJOUR décédé le 27 mars 2019
o Jameson PIERRE décédé le 10 avril 2019
o Gabriel AMAZAN décédé le 23 avril 2019

36. A la prison civile de l’Anse-à-Veau, trois (3) cas de décès ont été enregistrés. Il s’agit de :

o Bernaïs BERNARD, décédé le 31 janvier 2019
o Roger FELIX, décédé le 8 février 2019
o Anderson LEON, décédé le 9 avril 2019

37. À la prison civile des Gonaïves, trois (3) détenus sont décédés. Il s’agit de :

o Patrick CIMEUS, décédé le 19 février 2019
o Passadieu AIME, décédé le 10 mars 2019
o Anderson FLEURILUS décédé le 28 avril 2019.

38. À la prison civile de Jacmel, un (1) détenu est décédé en date du 13 avril 2019. Il s’agit deHenry PIERRE CLAUDE, alias Claudy Mix.

39. A la prison civile de Mirebalais, un (1) détenu, Faniel DORVIL, est décédé le 21 février 2019.

40. A la prison civile de Port-de-Paix, un (1) cas de décès a été enregistré. Il s’agit de Yonel ELIAZARD, décédé le 2 février 2019.

41. Au commissariat de Petit-Goave converti en prison, cinq (5) détenus sont décédés. Ils avaient été avant leur décès, transférés à l’Hôpital de Notre Dame de Petit-Goâve. Il s’agit de :

o Edouard OSNEL, vingt-huit (28) ans, est décédé le 9 avril 2019, deux (2) jours avant la date fixée pour son jugement
o Mario REGILUS
o Jean Phito BRESIL
o Yves André TELCINE
o Christian Jerry COLON

42. Au commissariat de Miragoane converti en prison, deux (2) détenus ont perdu la vie. Il s’agit de :

o Joseph Fritz JOASSAINT
o Trofort DESTINE

VII. L’économie haïtienne s’effondre, la pauvreté extrême s’installe, mais les officiels gardent encore leurs privilèges exorbitants auxquels ne peut faire face le pays

43. La gourde perd chaque jour un peu plus de valeur et le dollar américain, principale monnaie d’échanges pour un pays tourné exclusivement vers les importations, grimpe vertigineusement. À la publication de ce rapport, il faut en moyenne quatre-vingt-cinq (85) gourdes pour un (1) dollar. Cette situation influence directement l’inflation alors que les produits de première nécessité sont inaccessibles.

44. Parallèlement, les parlementaires et autres officiels continuent de jouir de privilèges que le pays ne peut se permettre, et ce, au mépris de la pauvreté et de la misère des haïtiens qui saute aux yeux, à chaque carrefour.

VIII. Dans certains ministères stratégiques, des arrêts de travail pour protester contre l’ingérence des parlementaires ou pour dénoncer des gabegies administratives sont enregistrés

45. Alors que la situation socioéconomique s’aggrave, des employés de ministères stratégiques, observent des arrêts de travail.

a) Au ministère de la planification et de la coopération externe

46. Depuis le 2 avril 2019, les employés du ministère de la planification et de la coopération externe ont décidé d’arrêter de travailler pour dénoncer l’ingérence des parlementaires dans la gestion dudit ministère, qui exigent des avantages énormes et placent leurs proches dans des postes clés, au mépris des procédures de nomination. Aujourd’hui, le ministère de la planification et de la coopération externe compte huit cent cinquante (850) employés, le personnel de soutien mis à part.

47. Le 1er avril 2019, le député Gandi DORFEUILLE a passé les instructions à son chauffeur, accompagné d’un agent de sécurité, pour changer les serrures du bureau du responsable ad intérim, du service de gestion des ressources matérielles, Jonas CELEÏDE dans le but de permettre à Belizard JEAN BAPTISTE de prendre la place de ce dernier. Pourtant, la nomination de Belizard JEAN BAPTISTE, considérée comme étant irrégulière, a été dénoncée par les employés dudit ministère.

48. Les employés de ce ministère dénoncent aussi la disparité qui existe dans le renflouement des cartes de débit. Par exemple, le ministre reçoit un salaire de cent-vingt-et-un mille deux cents (121,200) gourdes. Sa carte est chaque mois renflouée à trois cent dix mille (310,000) gourdes, soit près de trois (3) fois le montant de son salaire. Or, un membre du personnel de soutien gagne douze mille (12,000) gourdes. Sa carte est renflouée à huit mille (8,000) gourdes, soit 2/3 de son salaire.

49. A ce stade, il convient de rappeler que le Ministère de la Planification et de la Coopération Externe (MPCE) a été créé en 1989 pour élaborer des plans de développement socioéconomique et social en adéquation avec les ressources du pays.

b) Au ministère du commerce et de l’industrie

50. Des employés du ministère du commerce et de l’industrie ont entamé une grève pour exiger de meilleures conditions de travail, pour dénoncer la mauvaise gestion des dirigeants de ce ministère qui nomment plus d’employés que la boite peut en recevoir et pour exiger l’ouverture d’une enquête de l’Unité de Lutte contre la Corruption (ULCC).

COMMENTAIRES ET RECOMMANDATIONS

51. Le RNDDH estime que de janvier 2019 à nos jours, aucune mesure concrète n’a été prise par les autorités concernées en vue d’assurer la sécurité des citoyens, d’améliorer la situation socioéconomique du pays et de respecter, de manière générale, les droits humains en Haïti. Du plus loin que se souviennent les haïtiens, le pays n’avait jamais été à un niveau aussi bas tant en matière d’insécurité, de corruption au sein des institutions étatiques et de délinquance d’Etat qu’en matière de pauvreté. Les autorités étatiques, qui comptent les cadavres comme tous les citoyens, donnent des conférences de presse pour annoncer des mesures qui ne se concrétisent jamais. L’institution policière est dépassée par l’insécurité. Ses rares efforts pour l’arrestation des bandits armés se soldent dans la majorité des cas, par la relaxation de ces derniers par l’institution judiciaire.

52. Le RNDDH juge inacceptable que les autorités policières et politiques tiennent un discours selon lequel les organisations de droits humains les empêchent d’intervenir pour déloger les bandits armés. Tout en affirmant que le secteur des droits humains n’est pas armé, pas plus qu’il n’offre des armes aux bandits, le RNDDH tient à préciser que le code de déontologie policière ainsi que les nombreuses directives de la PNH portant sur la matière, précisent les circonstances dans lesquelles les autorités policières ont la latitude de faire usage de leurs armes à feu. De même, le code pénal haïtien traite dans son chapitre portant sur la rébellion, les sanctions qui peuvent être prises contre des individus qui tiennent tête aux officiers de la force publique dans l’exercice de leurs fonctions. Nulle part dans les articles 170 et suivants il n’est prévu l’exécution sommaire.

53. Le RNDDH ne fournira jamais un blanc-seing aux policiers pour exécuter sommairement des membres de la population, sous le seul prétexte qu’il s’agit de bandits armés. Il faut que ces bandits soient arrêtés puis déférés par devant les autorités judiciaires pour être jugés pour tous les crimes dont ils se sont rendus coupables.

54. Le RNDDH continuera toujours de regretter les morts des chefs de gangs et des bandits armés parce qu’eux seulement peuvent fournir des informations précises quant à leur protection par des autorités étatiques. Ce n’est en effet pas en les exécutant que le problème de la prolifération des gangs armés sera résolu, puisque le passé a déjà prouvé qu’il s’agit de bandes très bien organisées. Il faut donc punir ceux-là mêmes qui leur fournissent des armes, des munitions et des informations relatives aux interventions policières visant à les déloger.

55. De plus, le RNDDH estime du devoir du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) et du ministère de la justice et de la sécurité publique de prendre en compte, dans leurs enquêtes sur les magistrats, les liens que ces derniers entretiennent avec les gangs armés, notamment sur la base des libérations injustifiées qu’ils accordent à des membres de ces gangs.

56. Le RNDDH croit qu’une fois de plus, l’Exécutif a outrepassé ses attributions en nommant Maître Patrique Rameau METELLUS au poste de président de la cour d’appel de Port-au-Prince. Plus que jamais, l’Exécutif doit apprendre à ne plus s’immiscer dans la gestion du pouvoir judiciaire car selon la Loi, il est chargé de procéder à la nomination des magistrats, sur recommandations du CSPJ. Décider de qui doit assurer l’administration des cours et tribunaux – président de cours d’appels, doyens de tribunaux de première instance, juge titulaire d’un tribunal de paix etc. – ne fait pas partie de ses attributions. D’ailleurs, il convient de rappeler que la présidence d’une cour est généralement assurée par le magistrat le plus ancien, ce qui n’est pas le cas de Maître Patrique Rameau METELLUS.
57. Par ailleurs, il est clair aujourd’hui que les hôpitaux et centres de santé doivent faire l’objet d’une procédure de sécurisation, à mettre en place par les autorités policières de concert avec les responsables de ces centres. En effet, il est inadmissible que des intrusions par des gangs armés et des autorités soient faites dans ces espaces par définition neutres, et que la vie des patients et du personnel de santé soit continuellement mise en danger.

58. Les prisons et commissariats convertis en prisons constituent aujourd’hui de véritables forts de la mort. Des personnes en bonne santé y entrent soit pour mourir soit pour assister à la dégradation de leur état de santé, sous le regard passif des autorités étatiques. Ces morts en cascade ont pour cause principale les conditions dans lesquelles l’Etat haïtien garde les personnes privées de liberté.

59. Le RNDDH juge inadmissible que des parlementaires mandatés pour faire des lois et contrôler les actions de l’Exécutif, continuent de faire pression pour la nomination, au mépris de la loi, de leurs proches, à des postes ministériels ou de direction. En ce sens, le RNDDH rappelle que l’article 16 du décret du 17 mai 2005 portant sur la révision du statut général de la fonction publique, stipule qu’« Aucun agent public ne peut être engagé que par voie de concours et autres conditions prévues par la Constitution et par le présent Décret, à l’exception des agents publics vacataires et journaliers et des étrangers auxquels l’administration peut faire appel».

60. Fort de tout ce qui précède, le RNDDH recommande :

• A l’institution policière d’intensifier les actions visant à renforcer la sécurité des citoyens ; d’arrêter les bandits et de les déférer par devant les autorités judiciaires pour être jugés conformément à la Loi ; d’assurer la sécurité des centres de santé et des hôpitaux ;

• Au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) et au Ministère de la justice et de la sécurité publique de sanctionner rigoureusement les magistrats impliqués dans des cas de trafic d’influence, de corruption et / ou dans la libération injustifiée de bandits armés arrêtés ; Au CSPJ de ne pas donner suite aux nominations faites par l’Exécutif en-dehors de la Loi ;

• Aux autorités élues de statuer sur les accointances de leurs pairs avec des bandits armés et de les exclure des assemblées auxquelles ils appartiennent ;

• Aux autorités exécutives de mettre en place des programmes visant à réduire la pauvreté extrême et à favoriser l’emploi.

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