Une connaissance m’a demandé si la politique étrangère de l’administration Trump donne écho aux principes néorealistes en relations internationales.
Les relations interétatiques sont caractérisées par la poursuite des intérêts nationaux. Les intérêts nationaux, cependant, ne sont pas strictement définis. Ils peuvent varier selon certaines préférences des chefs d’État et de Gouvernement, en général.
Dans le cas des États-Unis d’Amérique, le Président Barack Obama avait conçu les intérêts nationaux du pays de manière à assurer son leadership dans la sphère multilatérale, selon des valeurs relatives à la démocratie participative, au respect des droits humains, à la solidarité en matière de développement économique, dont l’économie de marché et le libre-échange, et social, ainsi que l’adhésion aux principes humanitaires.
Aussi, Obama avait misé sur la tradition de prédilection de la nation la plus favorisée ( most favored nation status ) pour les accords de libre-échange.
Trump, par contre, préconise une définition des intérêts nationaux axés sur le repli sur soi caractérisé par l’approche ” Make America Great Again ” (Restaurer la grandeur des États-Unis d’Amérique). Selon sa conception, les intérêts nationaux sont de se démarquer des guerres sans issue en Afghanistan, Irak et Syrie ; de privilégier des accords basés sur la réciprocité stricte, au lieu de faire certaines concessions basées sur le concept de la “nation la plus favorisée”, qui caractérise les relations commerciales.
Aussi, Trump, selon sa conception des intérêts nationaux, ne repose pas sa politique étrangère sur les actions collectives et les alliances, surtout dans la sphère multilatérale, au point de remettre en jeu la pertinence de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), l’alliance militaire phare de la période post-guerres dites mondiales.
En conclusion, oui la politique étrangère de Trump comporte des éléments néo réalistes. Cependant, est-il réaliste de concevoir les relations internationales par une vision de recroquevillement outrancier, surtout pour une puissance qui se veut hégémonique ?
En extirpant son pays du Conseil des droits humains de l’Organisation des Nations Unies et de l’Organisation mondiale de la Santé, Trump néglige le rôle du leadership des États-Unis d’Amérique dans l’échiquier multilatéral comme élément indispensable de son hégémonie. Une telle posture ne peut pas être vue sous l’angle réaliste, qui, stricto sensu , signifie que les intérêts sont définis en terme d’équilibre de la puissance dure d’un pays de façon favorable uniquement, et rien que cela, à ce pays. In fine , de se retrouver isolé face à des enjeux et défis internationaux sous prétexte de réalisme forcené est une compréhension limitée du réalisme.
De surcroît, la pandémie du nouveau Coronavirus et sa manifestation par le Covid-19 indique que l’universalité du virus nécessite une action collective que seule le multilatéralisme peut juguler. La vision de repli sur soi, des États-Unis d’Amérique avant tout et toujours, dans un contexte de vulnérabilité universelle est inadaptée à la vision quasi autarcique du réalisme classique.
D’ailleurs, l’autarcie en matière de relations interétatiques n’existe pas et ne peut, en aucun cas, exister. Même la Fédération helvétique, la Suisse, qui se dit neutre et non alignée en relations internationales doit tenir compte de l’universalité de la vulnérabilité humaine.
L’on peut donc postuler que dans un contexte globalisé, le néoréalisme paraît être, beaucoup plus, un concepte vide de sens. L’on ne peut envisager de gérer la pandémie du nouveau Coronavirus sans recourir à l’action collective qui met en exergue les intérêts de tous les pays, à moins de pouvoir fermer hermétiquement ses frontières terrestres, son espace aérien et ses ports maritimes au transport et aux échanges commerciaux.
Le vaccin tant attendu contre le nouveau Coronavirus ne pourra pas protéger uniquement les citoyens d’un pays, à moins de s’isoler totalement, ce qui est absurde.
Les États-Unis d’Amérique pendant l’administration Trump en témoigne. Le multilatéralisme paraît avoir eu gain de cause du néoréalisme.
Pierre Antoine LOUIS
Avocat | Diplomate et Consultant
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