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Ouragans : Dorian n’est qu’un aperçu de ce qui attend Haïti

Dorian est le cinquième ouragan de catégorie 5 depuis 2016 et, selon les experts, confirme la tendance vers des phénomènes météo de plus en plus intenses. Ce n’était pas la première catastrophe à frapper les petits États insulaires en développement (PEID) de la région des Caraïbes ; en 2017, les ouragans Irma et Maria avaient déjà prouvé que les PEID sont en première ligne du changement climatique et que la gravité et la fréquence des tempêtes extrêmes sont en augmentation. A l’ère des changements climatiques, ces tempêtes dessinent-elles l’avenir des PIED comme Haïti ? Interview exclusive de Nancy Roc avec le Dr Kenel DELUSCA, expert haïtien et un des auteurs du dernier rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). 

N. Roc : Dorian est le cyclone tropical le plus puissant jamais enregistré dans les Bahamas. Il est resté au-dessus du Nord-ouest des Bahamas pendant 68 heures et a presque tout dévasté. . Adam Tooze a écrit dans le Financial Times: « Dorian est à la fois un choc historique et un présage de l’avenir ». Que pensez-vous de cette réflexion ?

Dr Delusca : Les propos avancés par Adam Tooze dans le Financial Time sont tout à fait justes, car Dorian figure parmi les rares tempêtes de catégorie 5, la dernière sur l’échelle de Saffir-Simpson, ayant frappé l’archipel depuis le début de la collecte des données sur ces événements météorologiques extrêmes. De plus, Mr. Tooze a bien relayé les résultats des derniers rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui ont confirmé la tendance à une plus grande fréquence des ouragans majeurs imputables notamment à une augmentation de la température des océans. En effet, Dorian n’est qu’un aperçu de ce qui attend les Petits états insulaires comme Haïti. D’où l’urgente nécessité de porter cet enjeu au plus haut niveau de priorités afin d’envisager les ajustements appropriés susceptibles de réduire les impacts potentiels desdits épisodes météorologiques extrêmes.

N.Roc : Selon une étude réalisée par le « ND-Gain Country Index », Haïti, la Guyane et la Bolivie sont les pays les plus vulnérables aux changements climatiques du continent américain. Or, en Haïti, aucune campagne de sensibilisation n’a encore été réalisée parmi une population de surcroit, largement analphabète. Qu’est-ce que cela représente comme danger selon vous et ne faudrait-il pas au moins sensibiliser la population des villes côtières ?

Dr Delusca : Je ne dirais pas qu’aucune campagne de sensibilisation n’a encore été réalisée. Je dirais de préférence qu’il y a eu plusieurs initiatives isolées dans ce sens et qu’elles méritent d’être mieux coordonnées et adaptées aux différentes catégories d’acteurs, notamment ceux des zones côtières. Il y aurait à gagner d’avoir également des campagnes de sensibilisation de plus grande envergure, car celles qui ont été menées jusqu’à présent ne couvrent que des espaces géographiques très limités. La question des changements climatiques étant une problématique nouvelle dans un pays où les besoins de base ne sont pas satisfaits mérite des campagnes de sensibilisation plus soutenues. 

N.Roc Le psychologue norvégien ,Per Espen Stockness, affirme que  « les changements climatiques représentent le plus grand échec de l’histoire de la communication scientifique ». Ne pensez-vous pas qu’il faille adopter un nouveau cadrage, un nouveau message pour amener les citoyens à passer à l’action et mieux comprendre les enjeux de notre planète aujourd’hui ? De plus, en Haïti, il faudrait trouver un terme créole pour la majorité de la population afin qu’elle comprenne de ce que signifie les changements climatiques. Le gouvernement ne s’est même pas penché sur cette question cruciale.  Comment aborder ces différents problèmes ? 

Dr Delusca : En effet, vous avez entièrement raison, ce n’est pas donné au commun des mortels, voire aux personnes avisées, de comprendre rien que les éléments de base du phénomène des changements climatiques. Pour faciliter la compréhension de ce phénomène complexe, il faut trouver les bons mots, les bonnes expressions et les bons exemples d’illustration. À noter qu’un scientifique chevronné n’est pas forcément un bon communicateur. À mon humble avis, je pense que la science du climat a grandement besoin de la contribution des experts de la communication pour bien asseoir les messages en lien avec les changements climatiques. Ces messages doivent non seulement adresser les multiples défis du problème, mais aussi les options de solution dont dispose l’humanité. En Haïti, il y a encore du chemin à parcourir en ce sens. Les changements climatiques vont accentuer les autres priorités du pays. Du coup, il ne faut pas arrêter d’en parler ni d’en inciter de vrais débats susceptibles de favoriser des solutions durables.

N.Roc : Quand on a entendu le PM Laurent Lamothe dire que le gouvernement Martelly avait avancé dans la lutte contre les changements climatiques, je cite, «  car on a déjà curé les canaux » et qu’un expert de l’ONU me dit que lorsqu’on parle aux responsables du gouvernement Moise des changements climatiques, je cite encore, « ils demandent des brouettes », où allons-nous Monsieur Délusca ?

Dr Delusca : Pour vous répondre directement et tout simplement, nous allons tranquillement mais sûrement vers la disparition du territoire et du peuple haïtiens. Il est temps que la politique utilise la science dans ce pays.   

N.Roc : Quelles seraient les actions urgentes à poser aujourd’hui en Haïti pour lutter contre les effets du réchauffement climatique ?

Dr Délusca : Elles sont nombreuses. Permettez-moi d’en nommer quelques-unes : 

  • Éducation et sensibilisation des décideurs ;
  • Protection des territoires agricoles ;
  • Créations d’aires protégées marines et terrestres ;
  • Mise sur pied de systèmes d’alerte précoce pour les secteurs clés ;
  • Réalisation de campagnes de reforestation massive sur toute l’étendue du territoire ;
  • Retour aux habitudes de consommation haïtiennes ;
  • Développement de sources d’énergie propre ;
  • Meilleure gestion des ressources en eau ;
  • Adoption de modes de transport plus respectueux de l’environnement ; et
  • Réduction de la pauvreté et de l’exclusion.

N.Roc : Certains biologistes pensent que, dans l’état de notre vulnérabilité, même le sol d’Haïti ne pourra bientôt plus soutenir la survie de ce peuple qui semble aller tout droit vers un écocide. Que répondez-vous ? 

Photo : Ricardo Lambert – site MDE

Photo : Ricardo Lambert – site MDE

Dr Delusca : J’ai eu à avancer des propos similaires sur les ondes d’une station de radio de Port-au-Prince dans le cadre d’une émission sur l’environnement. En effet, les sols haïtiens se dégradent à un rythme sans précédent ; en témoignent les spectacles observés dans nos principales villes à la suite de la moindre pluie. Les changements climatiques contribuent à accentuer ce problème et par conséquent à réduire considérablement la capacité productive des terres du pays. Si l’on y ajoute l’impact des développements résidentiels sur cette ressource indispensable pour l’alimentation de la population, le problème est davantage crucial. Au rythme où ça va, les haïtiens semblent être condamnés à compter sur l’importation pour assurer leur sécurité alimentaire. La grande question est : où vont-ils trouver les moyens ? Je ne crois pas qu’ils ont les moyens d’une telle politique. Par conséquent, on espère que les décideurs, soucieux de l’avenir de ce peuple, se montreront à la hauteur de la tâche, non seulement pour poser les vrais problèmes, mais surtout pour y apporter des solutions innovantes qui tiennent également compte des réalités du pays.

Interview Nancy Roc.

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