Sur son compte Facebook, et dans les colonnes du quotidien Le Nouvelliste, l’ancien Député de Pétion-Ville Jerry Tardieu a réagi à chaud au projet de nouvelle constitution rendu public par le Comité de Pilotage de la Conférence Nationale. Il regrette que les propositions de ce comité n’aient pas pris en compte d’importantes recommandations du Groupe de Travail sur la Constitution (dont il a coordonné les activités) et qui avait recueillis pendant trois mois l’avis des secteurs organisés de la vie nationale et des partis politiques.
Jerry Tardieu met surtout en garde contre l’intronisation d’une forme d’État fédéral prévoyant que les dix départements d’Haïti soient dirigés par des gouverneurs indéfiniment rééligibles et disposant de l’autonomie administrative et financière en dehors de tout regard de l’administration centrale.
Selon Tardieu, comment parler d’un État fédéral pour un pays de 27,000 Km2 comme Haïti ? Il estime qu’une telle formule fédérale convient plutôt à des pays aux territoires vastes comme les Etats-Unis, le Canada ou le Brésil, ou à des pays aux institutions déjà fortes, au fonctionnement démocratique déjà éprouvé et ayant atteint un certain développement économique.
En Haïti, espérer le maintien de l’harmonie entre plusieurs petits départements indépendants et voisins, relève de l’utopie et d’une mauvaise lecture des « us et coutumes » politiques haïtiennes. C’est l’avis de Tardieu qui estime que cette « approchefédéraliste » proposé entrainerait des télescopages etl’inefficacité administrative. Les départements les plus pauvres auraient du mal à générer les ressources nécessaires aux investissements publics essentiels (routes, hôpitaux, ponts, centres de santé, écoles, université) et autres services publics (ramassage de détritus, paiements des salaires…). Il suffirait qu’un Gouverneur de département soit en délicatesse avec le Président de la République (ou d’une obédience politique différente) pour que ce département soit traité en parent pauvre par l’État central.
Jerry Tardieu rappelle que les secteurs de la société consultés par le Groupe de Travail sur la Constitution n’ont pas recommandé un État fédéral dont le fonctionnement serait couteux et lourd. L’État unitaire n’a été contesté par aucun des acteurs de la vie nationale ajoute-t-il. L’ancien parlementaire ajoute que « L’État unitaire est un État au sein duquel l’ensemble des décisions mises en œuvre sur tout le territoire sont prises par un seul centre de décision. Il impose un seul ordre juridique à tous, et le droit applicable est le même partout. Aucun risque de cacophonie ou de cafouillage. L’État unitaire c’est un seul chef d’État, un seul gouvernement, un seul Parlement, une seule organisation juridictionnelle, une seule législation applicable.C’est le modèle d’organisation largement dominant partout dans le monde. C’est celui qu’il nous faut en Haïti ».
De plus, la mise en place d’un État fédéral nécessiterait des capacités institutionnelles dont Haïti ne dispose pas. Que dire du risque de séparatisme qui nous pendrait au nez comme une épée de Damoclès ? Il est généralement admis qu’un système fédéral peut potentiellement renforcer les aspirations séparatistes etmenacer l’unité nationale et l’intégrité territoriale du pays. Or aujourd’hui, de nombreux pays font face à des velléités sécessionnistes, de l’Ecosse à la Corse, de l’Italie à la Nouvelle-Calédonie, du Nigeria à la France. Un peu partout, on observe une résurgence des groupes prônant l’autonomie. Les velléités indépendantistes de la Catalogne crispent encore et toujours l’Espagne. La Belgique pourrait éclater à tout moment, la Flandre étant plus prospère. Le cas de l’Irlande du Nord n’est toujours pas réglé. L’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie font face à des conflits territoriaux entre des régions séparatistes. Les exemples sont légions dans le monde ou les tensions séparatistes minent l’État et empêche la paix et le développement économique.
En outre, le Député Jerry Tardieu estime que l’adoption d’une nouvelle constitution par voie référendaire doit tenir compte de conditions sécuritaires minimale et acceptables. D’emblée il pose la question : Comment envisager un vote référendaire alors que l’État abandonne des territoires perdus aux malfrats ? Les électeurs doivent pouvoir aller voter en toute quiétude et non se livrer en pâture aux bandes armées qui sèment la terreur conclut-il.
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