Société

Violences faites aux femmes: quelle est la situation, en Haïti ?

Les types de violences faites aux femmes sont multiples . Il s’agit de violences physiques (coups, blessures, meurtres,etc), de violences verbales ( répétition constante de paroles insultantes ou d’injures prononcées à l’encontre d’une femme, la rabaissant, l’humiliant,..) et de violences psychologiques( insultes, humiliations, chantages, menaces, enfermement, isolement…), de violences sexuelles( agressions sexuelles, viols, contraintes d’ avortement,..), et de violences économiques( confiscation de moyens de paiement, papiers officiels, séquestration de bien, interdiction de travailler, etc.

Dès le départ, pour parler des violences faites aux femmes, en Haïti, il s’avérait judicieux de faire référence aux cadres légaux, s’il y en a . Selon la Constitution haïtienne, les traités internationaux, une fois ratifiés, font partie intégrante de la législation nationale et abrogent toutes les lois préexistantes, contradictoires. Grâce aux dynamiques internationales,en 1981, Haïti a ratifié la Convention sur l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF). Elle a aussi ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) en 1991. Si la Constitution prévoit que les Haïtiens sont égaux devant la loi et leur garantit la liberté d’exercer les droits civils sans distinction de sexe ou d’état civil, le droit à la vie, à la santé, et le respect de la personne humaine pour tous les citoyens sans distinction, la réalité des femmes haïtiennes est tout autrement. Car malgré l’ensemble des dispositions législatives du pays, elle (la femme haïtienne) n’est malheureusement pas du tout protégée de l’ensemble des situations ci-dessus décrites.

Outre les dispositions internationales régissant la matière, la Constitution haïtienne, le Code Civil haïtien ainsi que d’autres dispositions législatives vont donner à la femme haïtienne une place qui n’est pas des moindres. Il faut relater ici qu’avant 1982, la femme haïtienne était considérée comme ‘’mineure’’, autrement dit, elle ne pouvait pas poser d’actions conséquentes sans l’autorisation de son mari. A cette époque, elle n’avait pas de droit réel sur ses propres enfants, ainsi parlait-on de droit marital et non parental. Si elle venait à hériter de biens de ces ascendants, pour en disposer elle devait avoir une autorisation écrite de son mari. C’était la discrimination institutionnelle.

Le décret du 8 octobre 1982 viendra renverser la donne. Il a changé jusqu’à la présente minute le statut de la femme haïtienne, qui n’est plus considérée comme mineure, devient du même coup l’égale de l’homme. A ce niveau, il n’est plus question de droit marital, mais de droit parental. Elle (la femme haïtienne) a l’exercice sur l’ensemble de ses biens ainsi que sur sa personne.

En Haïti, les violences les plus répandues sont: Sexuelles, Verbales et Physiques. La violence sexuelle, elle, concerne les agressions dès l’école , le harcèlement au travail ou dans les lieux publics, et le viol qui est en progression en se référant aux derniers chiffres. Par exemple, à Jérémie 114 cas de viol dont 103 sur des mineures ont été répertoriés par des organisations locales de défenses des droits humains, pour l’année 2018. En matière de violences sexuelles, la législation pénale haïtienne est insuffisante dès qu’il s’agit de réprimer ces actes. Insuffisants sont aussi les modes de preuves pour coincer les auteurs des infractions sexuelles. Le manque de volonté de l’Etat est à considérer. Le code pénal et le code d’instruction criminelle sont tous deux des anciens codes qui ne sont plus en accord avec l’évolution sociale et de ce fait, ils méritent d’être modifiés à fond ou encore de subir une refonte totale. Il est important que le code d’instruction criminelle reconnaisse et accepte les preuves scientifiques dans la recherche des indices.

Pour les violences verbales, c’est à longueur de journée, que les femmes sont victimes avec la propulsion vertigineuse de la catégorie musicale dénommée ‘’Raboday’’. Depuis environ une vingtaine d’années, un nouveau rythme musical a vu le jour dans la société haïtienne, il s’agit du ‘’Raboday’’. Dans la quasi totalité des musiques dites ‘’Raboday’’, il est question de dénigrement de la gente feminine. On y retrouve les paroles les plus absurdes que l’espèce humaine ait pu imaginer. Dans l’ensemble, on pourrait dire que c’est un genre qui a été créé contre la femme, plus particulièrement contre la femme haïtienne.
Ironi du sort et au comble de tout, on retrouve de jeunes filles et de femmes haïtiennes sur des videos et images entrain de se déambuler, se sentent fières et semblent accepter du même coup toutes ces sottises et injures à leur encontre. Dans ce postulat, doit on dire que la femme haïtienne a pour ennemie elle même? ou doit on conclure qu’elle est ignorante à un point de ne pas savoir ce qui la dévalorise ou lui cause du tort?

Les violences faites aux femmes (VFF) s’inscrivent dans un contexte culturel et socio-économique, ce qui les rend hétérogènes dans ses formes, ses lieux et ses conséquences entre les régions du monde. En ce qui concerne Haïti, 28% des femmes de 15-49 ans sont des victimes de violences physiques; 50 % en sont sorties avec des blessures; 29%, avec des violences émotionnelles, selon des statistiques datées de 2018. les femmes subissent des violences physiques dans leurs foyers ou dans les lieux publics. Certaines subissent même des maltraitances pendant leur grossesse. Mais très peu d’entre elles portent plainte. Elles sont réticentes à signaler les faits de violence, et par conséquent, les dénonciations d’actes de violence restent peu nombreuses et l’impunité des agresseurs demeure élevée. Ceci est probablement dû à la peur, à la représentation sociale et aux normes culturelles, mais aussi dû à des conséquences socio-économiques, aux pressions familiales, et aussi à des situations administratives. A ce propos, il faut saluer le courage de la Mairesse de Tabarre, Nice Simon, qui a subit des agressions physiques de la part de son conjoint en 2018, qui malgré tout, a brisé le silence et a porté plainte contre son agresseur.

En effet, Les conséquences des violences faites aux femmes sont d’ordre post-traumatiques et sont de nature physique, psychique, mais aussi sexuelle. Au delà des lésions traumatiques (ecchymoses, hématomes, contusions, plaies, brûlures, morsures, fractures, ou encore des troubles digestifs), les violences entraînent des pathologies psychiques qui se traduisent dans plus de la moitié des cas en dépression. Ces situations émotives peuvent engendrer une série de répercussions comme la perte de l’estime de soi, la disparition de la capacité de fonctionner (prendre des décisions), l’anxiété et la peur des conséquences, et/ou l’isolement. L’ensemble de ces conséquences affectent dans l’immédiat comme dans le long terme la vie de la victime et de son entourage, comme les enfants qui peuvent devenir des co-victimes des violences faites aux femmes.

Par conséquent, pour s’attaquer aux violences faites aux femmes, il faut donc que des mesures préventives soient prises pour combattre la discrimination contre les femmes de façon à assurer la protection intégrale des droits des femmes, et à arriver à l’éradication du problème de la violence contre les femmes en Haïti. De surcroît, et conformément aux normes internationales et régionales en matière de droits de la personne, l’obligation de l’État Haïtien d’agir avec la diligence raisonnable afin de sanctionner et d’éliminer la violence contre les femmes, surtout lorsque des mineures sont en cause.

Pour relever le défi que constitue l’élimination de toute violence à l’égard des femmes, il est nécessaire d’aborder la problématique avec une approche globale et multidisciplinaire.

Witzer MESADIEU, Politologue et Bachelier en Droit.

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