Société

A quand une vraie politique d’intégration des personnes en situation de handicap

A quand une vraie politique d’intégration des personnes en situation de handicap.

En décembre 2018, avec deux autres confrères, j’ai réalisé un dossier sur la situation des personnes à mobilité réduite qui sont assoiffées d’une meilleure intégration dans la société. Ça fait presque trois ans, mais la situation reste inchangée. A quand une vraie intégration de ces personnes? Retour sur ce dossier.

En 2010, après le passage du séisme dévastateur sur Haiti le nombre de personnes souffrant d’un handicap est passé de 800,000 à 1,200,000 selon un rapport de SOS ESF daté du 5 novembre 2012.

Jusqu’ici, l’intégration des personnes à mobilité réduite au niveau de la société haïtienne est un véritable défi à relever. Malgré la création en 2007 du Bureau de la Secrétairerie d’État à l’Intégration des Personnes Handicapées (BSEIPH) sous le quinquennat de l’ancien président René Garcia Préval, les résultats ne sont pas satisfaisants, même lorsque l’équipe du BSEIPH, des organisations nationales et internationales ne cessent de conscientiser la population dans l’objectif de faire respecter les droits des personnes à mobilité réduite.

Elles sont victimes de discriminations, de moqueries et d’insultes. Le plus souvent, une personne ayant un handicap sensoriel ou moteur est mise à l’écart : difficulté pour cette personne de trouver un emploi, de poursuivre sa scolarité, d’intégrer la vie sociale.

En décembre 2018, nous avons effectué une visite au Bureau du Secrétaire d’État à l’Intégration des Personnes Handicapées. À première vue, il s’agit d’un espace répondant aux normes en ce qui a trait à l’accessibilité pour les personnes souffrant d’un handicap de circuler sans trop grande difficulté.

Durant notre passage au Bureau du Secrétaire d’État à l’Intégration des Personnes Handicapées, nous avons rencontré une jeune femme dénommée Jarline Israël. Elle vit avec un handicap au niveau du pied depuis environ seize ans. Ayant beaucoup d’estime de soi, mademoiselle Jarline ne se laisse ni atteindre ni intimider par les propos discriminatoires. Pourtant les propos à l’encontre des personnes handicapées sont des éléments déclencheurs qui l’ont poussés à étudier les sciences juridiques, l’informatique bureautique et le langage des signes.

Elle se bat au jour le jour pour l’inclusion et l’intégration afin que les personnes vivant avec un handicap puissent avoir beaucoup plus d’accès à la vie nationale, dit-elle.

Pour elle, les causes de la discrimination à l’encontre des gens déficitaires sont un manque de formation sociale existant à la base. Les instances comme l’église, l’école et surtout la famille n’ont pas fait comprendre à la population que les personnes handicapées sont aussi des citoyens et ont aussi les mêmes droits, a-t-elle souligné.

Jarline Israël a expliqué les causes de la discrimination. Sous un autre aspect, le citoyen Josué Jean Baptiste, coordonnateur de la Coalition Nationale des Organisations pour l’Intégration des Personnes Handicapées (CONOIPH) explique ce qui devrait être fait pour intégrer ces gens au sein de la communauté haïtienne. “La participation de tout le monde afin de permettre aux personnes handicapées d’avoir accès aux services de base” lâche Monsieur Josué Jean Baptiste.

Toute personne handicapée a le droit d’accéder au savoir (formation), d’avoir un emploi et d’évoluer professionnellement. D’où l’objectif des lois antidiscrimination qui constituent « un point de départ pour promouvoir l’intégration des personnes handicapées sur le marché du travail », a-t-il poursuivi.

La tâche s’annonce difficile mais pas impossible

Une mission qui s’annonce compliquée. Si nous prenons des exemples : La reconstruction de certains bâtiments après le passage du tremblement de terre de 2010 ne permettant aux personnes sur les fauteuils roulants d’y avoir accès. Dans le transport en commun, on oublie les gens qui sont incapables de prendre facilement un autobus ou une camionnette. On peut compter sur le bout du doigt le nombre de personnes handicapées qui travaillent dans une institution publique ou privée. Face à cette situation, ils sont obligés de se livrer à la mendicité afin de se procurer du pain quotidien.

Tous ces préjugés à l’égard des gens handicapés ont poussé le Bureau du Secrétaire d’État à l’Intégration des Personnes Handicapées à mener une lutte acharnée pour l’intégration et la participation des personnes ayant une déficience. C’est ainsi qu’à l’initiative du BSEIPH, le Parlement haïtien a ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées et son protocole facultatif, le 12 mars 2009 et garantit ainsi le droit aux personnes en situation de handicap de se former et d’accéder à un emploi décent et sécurisant.

En effet, cette convention reconnaît le droit au travail des personnes handicapées et précise que les États membres « garantissent et favorisent l’exercice du droit au travail, y compris pour ceux qui ont eu un accident causant un handicap sur leur lieu de travail, en prenant des mesures appropriées, y compris des mesures législatives, pour notamment : interdire la discrimination fondée sur le handicap dans tout ce qui a trait à l’emploi sous toutes ses formes, notamment les conditions de recrutement, d’embauche et d’emploi, le maintien dans l’emploi, l’avancement et les conditions de sécurité et d’hygiène au travail…».

Dans cette loi haïtienne, l’article 80 stipule que « tout responsable d’entreprise qui refuse d’employer une personne en raison de son handicap est passible d’une amende maximale allant de deux cent mille (200.000) gourdes à cinq cent mille (500.000) gourdes pour chaque infraction dont il est reconnu coupable » .

Lutte acharnée du BSEIPH

Le Bureau du Secrétaire d’Etat qui a pour mission de mettre en place une politique publique d’intégration des personnes handicapées dans le pays, lutte pour le renforcement de la gouvernance, à l’amélioration des conditions de vie de ces personnes.

L’accessibilité reste un défi majeur au niveau des bâtiments alors que le chapitre 4, section 3, article 26 de la loi du 13 mars 2012 portant sur l’intégration des personnes handicapées stipule << Les édifices publics, les dispositions architecturales, les aménagements et équipements des lieux de travail et installations ouvertes au public doivent être tels que les édifices publics, lieux de travail et installation soient accessibles aux personnes handicapées >>.

La vie d’une personne handicapée en Haïti est un calvaire. Les infrastructures dans le pays dont les églises, hôpitaux et banques ne sont pas adaptées aux besoins spécifiques des personnes handicapées. Une personne en fauteuil roulant ne peut pas aller dans une banque, un sourd-muet n’a pas la possibilité d’aller payer une taxe à la Direction générale des impôts (DGI) et les hôpitaux n’ont pas vraiment des interprètes en langage des signes pour recevoir les sourds-muets.

La SHAA au secours des déficients visuels

Dirigé par le Dr Michel Peant, ancien secrétaire d’état à l’intégration des personnes handicapées, la Société Haïtienne d’Aide aux Aveugles (SHAA) est une institution fondée le 23 février 1952 ayant pour mission de servir les personnes handicapées de la vue.
Cette institution a pour objectif de travailler à la prévention de la cécité et d’améliorer la qualité de vie des aveugles et malvoyants.

Le personnel de la SHAA travaille d’arrache-pied pour offrir les services de réadaptation fonctionnelle, d’éducation intégrée, de santé oculaire. L’institution dispose d’une bibliothèque spécialisée baptisée bibliothèque « Roger Dorsainvil », du nom d’un ancien historien haïtien, qui était devenu aussi un handicapé visuel. Cette bibliothèque dispose d’un fonds de plus de 3.000 ouvrages en écriture braille, sonores et ouvrages réguliers.

Malgré tous ces efforts, le Dr Michel Peant n’ignore pas qu’il reste un maximum de travail à faire pour satisfaire les attentes des personnes handicapées souvent marginalisées et de les intégrer de façon considérable dans la vie nationale.

Lors d’une visite en décembre 2018 à son bureau, il estime qu’il existe un grand fossé entre ces gens marginalisés et le reste de la société, tout en profitant de donner quelques chiffres.

En 1998, selon une enquête réalisée par la Commission de l’Adoption Scolaire et d’Appui Social (CASAS) de concert avec le Ministère de l’Éducation Nationale, sur 120 000 enfants handicapés seulement 2019 étaient scolarisés, ce qui donne un taux de scolarisation de 1,7%, a-t-il indiqué.

Tout le monde devrait s’engager dans cette bataille

L’intégration des personnes handicapées est l’affaire de tous. Chaque citoyen devrait prendre conscience et motiver d’autres gens à inclure les handicapés dans la vie quotidienne.

Les discriminations sont légion. “Entatad, bout ponyèt, boul nan do, ti je, je nan gèt, petevi, kokobe, egare” tels sont les propos blessants qui sont souvent utilisés dans la langue créole pour rabaisser ou minimiser les personnes ayant une déficience.

Personne n’est épargné d’une malformation ou d’une infirmité puisque ça peut arriver à n’importe qui et à tout moment. Il est plutôt préférable d’entendre les cris de ces personnes marginalisées, discriminées et presque oubliées qui veulent à tout prix participer dans la vie active.

En savoir plus:

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